Notre-Drâme
Je suis le poète en flammes qui vomit les dons
Une gargouille calcinée perchée sur son balcon
Si je grimace tant c’est que ma gorge s’assèche
Mon cri misérable se noie dans des milliers de prêches
La tête prise dans un étau me donne le vertige
Le feu n´est rien face à ces gens de prestige
Venant cracher sur mes restes à coups de millions
Ils ne sont qu’une façade cherchant la rédemption
Depuis mille ans déjà je chasse leur vanité
Et ils croient ces pêcheurs qu’au milieu des décombres
La poussière qui est notre commune destinée
Les mettrait en lumière sur le pied de ma tombe
Moi je sais bien qu’ici nul ne ressuscite
Pas plus les princes précieux que les Quasimodo
Ca fait des siècles que tous ils se précipitent
La mort les coule comme l’eau sortant de mes boyaux
Et je crache, je vomis l’hypocrisie des hommes
Les sermons, les oublis, même cette dame que l’on nomme
Je suis la gargouille enflammée par l’invisible
Je me brûle du vent et du dieu de la bible
Même salie, calcinée , au dessus de vos têtes
Je resterai fièrement tel un démon moqueur
En pleine tempête je serai ce poète
Qui trouble votre regard et vous serre le cœur
Coquelicots de liberté
Mon enfance et ces mois de juin
Ces champs pleins de coquelicots
Où je m’enfonçais toujours plus loin
Portant l’errance en sac à dos
A chaque haie dans ce bocage
Je découvrais de nouvelles fleurs
Aucun oiseau n’était en cage
Ni papillons aux mille couleurs
Et là, je trace sur le bitume
Sans prendre le temps de m’arrêter
L’acier a bien lesté mes plumes
Il ne m’en reste qu’une pour remarquer
Que les blés sont propres et lisses
Aucune fleur, aucune ordure
Le glyphosate fait la police
Elles n’occupent plus que les bordures
Coquelicots de liberté
Rassurez vous, vous n’êtes pas seuls
Beaucoup de plantes de vérité
Ne peuvent plus ouvrir leurs gueules
Et qu’entre le printemps et l’été
On ne compte plus les pesticides
Infectant les champs, les télés
Ce sont les nuisibles qui décident
Promis je vous serai fidèle
Vous, lucides et beaux sur les bordures
L’orage un jour sera le ciel
Qui balaiera cet ordre dur
En pleine nature votre bouquet
Ravit mes sens jusqu’à mon coeur
Je m’ennivre à votre banquet
D’une espérance de vainqueur
Au jardin des plantes
Il trône se prenant pour le roi
Au milieu du jardin des plantes
Ce pacanier un peu pantois
A la ramure d’épouvante
Sa couronne est faite de nids
Et une bonne vingtaine de corbeaux
Se croisent et croassent à l’infini
Et peu leur importe qu’il fasse beau
A croire que cette danse macabre
Cherche la pluie et le tonnerre
Et que le seul but de cet arbre
Est de nous mettre sur les nerfs
A côté, l’hêtre centenaire
A repoussé tous ces squatteurs
Il n’aime comme partenaire
Que les hommes doux et rêveurs
Il les incite à venir s’assoir
A contempler et à comprendre
Ce bal du matin jusqu’au soir
Une image du monde à prendre
Semblable à nos beaux journalistes
Cachant derrière leur doux plumage
Les durs vautours qui les habitent
Charognards sachant rendre hommage
En tournant en toutous autour
Du roi fou du jardin des plantes
Qui n’attend comme seul retour
De se nourrir de leurs fientes
Les corbeaux picorent les cancans
Le pancanier grandit au vent
Au milieu de tout ce boucan
Je m’allonge sous l’hêtre en rêvant
Qu’avec ses noix de pecan
Et du bois solide qui tombe
Un bout d’élastique tout tremblant
Mon tire-chail fasse l’effet d’une bombe
Le merle
Dis ! Toi ! Le merle dans mon jardin
Oui ! Celui qui picore mes fraises
Ce serait bien qu’un beau matin
On se pose en face sur une chaise
A la limite que tu te serves
Ce serait presque naturel
Mais j’avoue que ce qui m’énerve
C’est que tes restes pourrissent au soleil
Ne seraient elles pas à ton gout
Tu les croques avant qu’elles ne murissent
Dois je imaginer ton dégout
Trop gourmet ou tu fais des caprices
Si tu dois toutes les essayer
Pour saisir qu’elles sont acidulées
Evite donc de les décrocher
Patience petit écervelé
Je vais pas leur mettre un filet
Comme on met un oiseau en cage
Si je dois finir par les voiler
Tu en subirais les dommages
Une dernière chose je te préviens
Toi qui commence à prendre tes aises
En juin si t’attaques mon raisin
Tu pourrais finir sur les braises
Nuages divins
C’est par une nuit de pleine lune
Que j’ai cerné son souffle divin
Plongé dans une certaine amertume
Un soir ou je n’avais pas bu de vin
Ici depuis des temps immémoriaux
On appelle cette bise salvatrice Eole
Je me dis que nous manquons chez nous de griots
Il est des choses que l’on enseigne pas à l’école
Les nuages flottent d’une cadence langoureuse décadente
D’où transpercent mille merveilles qui s’éventent
Pour celui qui n’a pas l’œil poétique
Je me demande le pourquoi de ce que l’on enseigne
Pourquoi tant de formules et de leçons qui nous saignent
L’imaginaire devrait être notre première source d’éthique
La mare des grenouilles
Le feu crépite dans un marais boueux
Une flamme marine bien debout. Eux,
La narine ne sentant pas la coupure
Tendent fièrement le bras, le cou: purs
Au droit de ce sol de sables mouvants
On décèle des fables, des mouvements
Rien des gazes dangereux inodores
Habitués au bruit, aux mauvaises odeurs
Peu leur importe que la France s’enfonce
Qu’on ne puisse plus s’accrocher qu’aux ronces
Envahissantes briseuses de parfum
Entendez vous le coassement des grenouilles
User ceux qui restent coi, s’agenouillent
Sur cette mare de nénuphars fins
La mer des lucioles
Poséidon est un dieu bien cruel
Même si sa maison est un beau linceul
L’Atlantide voit au cœur de ses ruelles
Les cadavres d’une humanité bien seule
Sous de frêles dunes que pensent les vestiges
De la connivence de leurs mondes engloutis
Leur longue agonie me donne le vertige
Tout autant qu’ils sombrent dans l’oubli
Les étoiles, elles aussi mort vivantes
Qui ne sont pas de celles qui se vantent
Ces nuits venantes ne seront que le reflet
De ces âmes lumineuses qu’on a perdues
Comme celles dans leurs pays qu’on a pendu
Pour qu’on se refuse de les camoufler
Il est des clowns
Il est des clowns cloués aux couilles
Clonés sous leur coquille de cagouille
Dont le maquillage n’efface pas le masque
Effrayants de la réalité de leurs frasques
Une femme de ménage sous l infamie
Surnage surprise par la famine
D’un soit disant bon père de famille
Dirigeant affligeant du FMI
Quand dans les couloirs ça ricane
Un machisme enflammé par jerrycan
Embrase ses yeux qui le maudissent
De leur pouvoir, ils finissent tous par abuser
Ces hommes Tron qui veulent s amuser
Les Domi-Nique Strauss-Kahn ou Baudis
Le radeau de la muse
Errant dans les vents vagabonds
Flottant sur une vague équivoque
Épris d’un galbe au beau rebond
Mon cœur n’est plus que bicoque
Ce radeau, comme un cadeau médusé
Si heureux de mouiller en son sein
La mer aux reflets verts semble s’en amuser
Tel ses doigts sur le clavier d’un clavecin
Et ça tape et ça clapote sévère
Le torture t’elle pour en tirer ces vers
Un bois humide peut il encore brûler
Le soleil asiatique et les îles désertes
Si l’on s’y croit à l’abri des tempêtes
N’empêche pas le tsunami d’hurler
L’hymen de révolte
A table les couverts grognent
De voir servir sans vergogne
Des assiettes Gorgones
Ne laissant miette pour leur trogne
Médusés de celles qui se gavent
Boursières des coffres et des caves
Ils grincent sentant l’heure grave
S’affûtent qu’on les prenne pour des braves
A gaver les méduses percées
Selon la légende de Persée
Il faut qu’ils les décapitent
Sans larmes fugaces à verser
Que Pégase puisse traverser
L’hymen de révolte qui palpite
Petites bohémiennes
Aux petites bohémiennes de mon école
Dont parfois les différences les isolent
Moi je vois la liberté dans vos sourires
Dans votre manière de sauter, de courir
Vos larmes inquiètes quand vous êtes séparées
Sont des bijoux de pureté dont vous vous parez
La puissance qui émane de vos liens familiaux
Est un beau fruit juteux autour de son noyau
Aujourd’hui, on unifie, on ne pardonne
Plus d’être un autre, moi je n’abandonne
Pas l’envie de vous laisser mâcher vos mots
Soyez libres et vous même dans l’enfance
Votre identité a bien plus d’importance
Que d’être fidèle à tous les autres marmots
Faits divers ou la stupidité même
Posé paisiblement le long de la rivière
En pleine image d’Épinal de poète
A siroter une fraîche petite bière
Au bord du canal c’était chouette
Quelques adolescents descendus du quartier
Étaient tranquilles et nageant à se rafraîchir
Quand une escouade de trois policiers
Vint tout simplement… le leur interdire
Contrôle d’identité et rappel à la loi
Pour ces jeunes complètement cois
Qui n’avaient que maillots et T-shirts
Comme quoi un simple arrêté municipal
En plein été me laisse le visage pâle
Écœuré que la loi puisse servir de chiottes