Spectacle Prix du roman contemporain

Voilà le déroulé du spectacle fait sur la scène du TAP à l’occasion de la remise du prix jeunesse du roman contemporain en juin 2018 par les collégiens de Lussac Les Chateaux (86) pour le livre « Dans la Forêt de Hokkaido » par Eric Pessan

Dans la forêt d’Hokkaïdo

1 Les cauchemars

3 Douches : les élèves forment 3 tas sur le sol sous les douches. Ceux qui parlent se réveillent dans leur lit, dans un tremblement et confient leurs cauchemars au public , puis se rallongent.

Emma M1

Je suis dans un immense et sombre couloir

Soudain je vois une porte mais toujours dans le noir

Je l’ouvre, cours mais quelqu’un me poursuit

En manque d’air, je me réveille dans un sombre cri.

Simon M2

J’étais dans mon coin de mur

Avec tout plein d’araignées

Des petites, des grandes, en origami

Ou réalistes, il y en avait partout.

Elles venaient d’un parc d’attraction

Et je me pisse dessus car c’ est terrifiant

Faustine M3

Je me promenais dans les champs de mes voisins

J’appelais mon chien,

Il ne me répondait pas.

Mon chien était mort.

Mathias M1

Une personne me courait après, elle me rattrapait

Petit à petit car je ne comptais pas assez vite

Mes petites billes, et si je me stoppais elle me choperait

Pour me trucider ou me découper en frite

Maryna M2

je me réveille le matin, personne dans la maison

dans la rue, le village désert

me retrouver seul sur cette planète

et ne plus voir les personnes qui me sont chères

Marion M3

je suis en haut d’un immeuble et je saute sans rien, ce qui fait que j’ai l’impression de tomber en continu.

Je suis chez moi, dans ma chambre, quand j’ouvre ma fenêtre, il y a de nombreux serpents. Ils ont tué les personnes que j’aime.

Lumière tamisée Carla se lève lentement  joue lentement le texte comme s’il y avait une pause au milieu de chaque phrase. Ralentir, articule et choisit de placer un effet sur certains mots du texte.

Texte 1 : Carla  M1

J’entends le murmure du chant des oiseaux au loin

le vent sifflant entre les branches des sapins

mais surtout je n’entends plus les bruits de la route

juste moi et mes pas bruyants sous un ciel d’août

Je suis perdue en plein milieu de la forêt

j’avance lentement sans savoir où je vais

chaque minute me paraît être une heure

je suis comme prisonnier seul dans mon malheur

je sens l’odeur de la pluie et des champignons

celles des fleurs où sont posées les papillons

je ressens les froides gouttes tombant des arbres

tombant sur ma nuque, me giflant comme des sabres.

La peur m’envahit et mes jambes s’engourdissent

et cette sensation de voir les arbres qui grandissent

petit à petit je me sens tomber à terre

mais je dois avancer, trouver un nouvel air

Suis-je perdu suis-je abandonné

Plus je crie plus je sens que je m’étouffe

Qu’ais je donc à me faire pardonner

Je lâche mon désespoir dans un dernier souffle

TOUS CRI / NOIR tout le monde sort rapidement (max 20 sec)

Texte 2 : Simon et Louis M2 +M3

En quelques instants nous nous réveillons

Nous sommes tous lovés dans notre lit

Au plus profond de nos rêves nous crions

Mais nous nous demandons pourquoi ce cri

Mesdames messieurs avons-nous crié ?

Si oui, avons-nous alerté quelqu’un ?

Si non, devons-nous nous faire soigner ?

Car notre tête fait un mal de chien

Nous nous levons, nous ouvrons les volets

Nous nous regardons dans notre miroir

Et nous voyons l’enfant dans le reflet

Nous avons vraiment du mal à y croire

Nous ouvrons la porte et nous replongeons

Dans cette forêt qui est très étrange

Dans ce grand monde inconnu, nous errons

En recherchant notre gardien, notre ange.

NOIR

Robin : Alerte flash info fait divers Japonais Pleine lumière et jingle    M4

Lumière tamisée couleur Japon (rouge)

Attention, penser à placer deux micros à Jardin et Cour.

Texte 3 : Nora et Anne-Claire M2+M3

Alternance des 2 voix (1/quatrain) Lent, posé

Le faux silence de la forêt composé de mille bruits

des messages secrets que la nature s’adresse à elle-même

l’odeur humide des pins et des buis

cet univers libre et bohème

les jeux des lumières crées par les feuilles

légèrement bousculées par la brise

où l’on n’entend que par l’œil

ne respectant aucune balise.

Le doux chant des oiseaux,

et les grands arbres centenaires

la nuance mezzo piano

créant ce monde imaginaire

ce tapis de mousse si doux

mais ces ronces qui griffent

avec tous ces cailloux

si maniaco-dépressifs

Le craquement des branches mortes

tombées au sol

sont laissées à demi mortes

comme quelqu’un sans boussole.

Posent la tête sur l’épaule de l’autre.

Texte 4 : Emma et Jezila M2+M3

Lumière rouge

Emma entre en fouillant, prend le micro d’Anne-Claire et Jezila, celui de Norah. Attention : rythmer.

Je m’enfonce dans la forêt, je marche, cours, trébuche, me relève. J’ai une impression inconsciente d’avoir une voix dans ma tête qui me dit où aller. Je l’écoute, la prend en compte, puis la suit. Je continue de m’enfoncer dans la forêt qui me paraît de plus en plus floue, mes jambes me lâchent, la fin et la soif me consument. Je me relève grâce à cette voix qui me guide. J’ai l’intuition qu’il faut aller à droite, des branches m’arrachent et me retiennent, la voix me dit de continuer, je n’entends plus qu’elle et fait abstraction de tout autour de moi. Plus je m’enfonce et plus un bruit se hisse dans ma tête, c’est inévitable, une masse s’effaçant dans le vide. Miracle ! De l’eau !! Un robinet ! Je cours avant que le sol ne s’efface sous mes pieds, je l’atteins enfin, ce trésor qui me semblait impossible à trouver. La voix me dit « STOP » ! Elle me retient comme si sa vie en dépendait, mais je tire, et je tire encore. Je veux boire. Je dois boire. Je m’arrache à cette voix qui m’emprisonne, et me noie dans cette eau qui me semble pure et si sèche à la fois. Je stoppe cette richesse pour me rendre dans cette bâtisse qui me semble si lugubre. Il fait noir, je ne vois rien, recouvert de toiles d’araignées je tente de trouver, je touche alors ce qui me semble être un compteur. Je soulève une manette et cette lumière qui me brûle les yeux et m’aveugle quelques instants, m’emplit de joie. Je vois alors des lits de camp regroupés, épuisé je m’effondre sur un des lits, trempé, je sens mes forces m’abandonner. Soudain un éclair fulgurant me déchire les rétines. Lumières flash Julie ! Les rayons du soleil qui passent à travers les stores m’arrachent au sommeil et me laissent épuisés.

Fondu → NOIR

Texte 5 : Louna et Marion M2+M3

En me voyant , vous pouvez croire que je suis une fille normale

Avec une vie banale, ce qui n’est pas forcément faux

J’ai un grand frère et des parents géniaux

Je passe le brevet cette année avec les encouragements de ma famille et de mes amies.

Je n’en ai pas spécialement beaucoup mais c’est une grande partie de ma vie

J’ai aussi un meilleur ami Elliott

Avec lui, nous avons une complicité que personne ne comprend

Et je vous avoue que moi-même je ne sais pas ce que je ressens vraiment.

J’habite dans un bâtiment

Avec 15 étages superposés

Mes voisins je ne les connais pas vraiment

Je passe la plupart de mon temps à réviser

Bizarrement, à chaque fois que mon père perd ses clés ou son porte-feuille

Je le retrouve sans vraiment chercher

J’en ai parlé à Elliott

Et lui me croit, je sens que quelque chose est spécial en moi.

Je ne sais pas si c’est un don

Mon frère, lui, dit que je suis une sorcière

Depuis quelques temps, je ressens l’abandon

Et quand je ferme les paupières

J’aperçois un petit garçon au Japon,

Qui a été abandonné dans une forêt

Se retrouvant seul sans rien ni personne, sans un son,

Comme s’il était enfermé dans son secret

J’ai l’impression d’être à sa place

Comme un Barnard l’Hermite dans sa coquille

C’est comme s’il était un reflet dans ma glace

Aussi proche qu’il était de ma famille.

Et depuis je ressens une fatigue

Ce cauchemar me donne de la fièvre

Je le ressens tellement qu’il m’envahit

Une douleur qui vient à m’assécher les lèvres.

Robin : Alerte flash info sur L’Ours M4

Texte 6 : Mathias M1

Avance depuis fond scène, voit l’ours immense dans le public plus haut , Faustine est derrière lui.

L’ours, cet animal majestueux

Son pelage est magnifique

Les yeux dans les yeux

Ses dents sont telles des pics

Son corps est pareil à une armoire à glace

Sa force est sans doute extraordinaire

Quand nos regards se croisent mon sang se glace

Et je deviens tel un octogénaire

+ Texte Faustine M1

NOIR

Transition 2 douches  Naël et Théo : « j’ai faim, j’ai faim »    

Texte 7 : Naël et Théo leurs voix se répondent

M2 + M3

Chez moi, je mange

des nourritures de toutes sortes

viande rouge, fromage, orange

j’ai juste à ouvrir une porte

C’est comme si le monde était mangeable

tout à portée de la main

tous ces goûts si agréables

le soir, le midi, le matin

J’avoue même que je me goinfre grave

ça peut-être tout le temps

pas non plus des betteraves

plus du genre chocolat blanc

Je me fais parfois péter le bide

jusqu’à ce que je sente que je vais vomir

je sais bien que c’est stupide

mais pourquoi devrais-je me retenir ?

Par contre trouver à manger dans une forêt

c’est beaucoup plus galère

si t’as pas de fusil pour chasser

t’as plus qu’à manger de l’air

Là, j’ai vraiment faim

je pourrais tout dévorer

jusqu’à la fin de ma faim

insectes, vers de terre, purée d’araignées

Même si c’est dégueu, même si ça pique

que c’est bizarre, que c’est vénéneux

que c’est poisseux ou que c’est toxique

que ça ait 20 pattes ou 10 yeux

J’pourrais le manger tout cru

j’ai tellement la dalle

et même si ça pue

j’en ferai mon casse-dalle

Car depuis 3 jours

j’ai rien mangé du tout

y a rien aux alentours sauf mon vomi partout

Même si la faim m’empêche de penser

qu’elle me tord les boyaux

je continue d’avancer

malgré tous les maux

là je fais moins le malin

j’suis au bord du malaise

je pourrais manger un humain

même le plus balaise                                    (Théo montre une personne au hasard dans le public)

je crois que c’est la fin

même des baies ou des champignons

ça n’arrangerait rien

je crois que j’ai touché le fond.            (A deux, plus lent, face à face)

Robin : Alerte flash Info Migrants M4
Transition : marcheurs qui se croisent dans tous les sens sur le plateau.

Texte 8 : Constance, Maryna, Clémence, Alexine M2+M3

Ils sont trois dans le salon

très grands et frisés

habillés d’un t-shirt et pantalon

Ils viennent tous de l’Érythrée

Combien de kilomètres

ont-ils dû faire pour arriver là ?

Pas après pas, mètre après mètre

comment en arriver là ?

Ils ont fui la dictature

un pays avec mille prisonniers politiques

où la vie est si dure

où tout le monde panique

Mon grand frère a 20 ans

ils ont le même âge que lui

au lieu d’être au lycée

assis sur un banc marchent jour et nuit

Si j’étais dans leur cas, je serais déboussolé

je n’y arriverais sans doute pas et

je laisserais facilement tomber

j’avoue, je baisserais les bras

car quand on parle de notre opinion

on se retrouve vite enfermé

dans une terrible prison

les mains et les pieds liés

Et si dans notre pays, c’était la guerre

peut-être que nous aussi nous prendrions la route

pour éviter les grosses galères

nous fuirions aux premiers doutes

et nous serions comme eux au matin

pour ne pas nous faire attraper

on se jetterait sur la poussière des chemins

dans l’espoir de dénicher un peu de paix

Robin : Alerte flash info : Alerte, Alerte Julie est malade M4

Texte 9 : Lauren, Naël et Juliette M1+M2+M3

Moi Julie 15 ans, je ressens

Sur mon lit dans mon sang

Un mélange d’émotions

Une sorte de fluide stressant

M’étouffant, m’oppressant

Faisant baisser ma tension

Je sens monter la fièvre

Je sens trembler mes lèvres

J’avoue que j’ai vraiment peur

Qu’à l’autre bout du monde

Ce petit enfant tombe

Et qu’à la fin il meurt

Ma santé est instable

Je me sens responsable

Et je ressens sa détresse

Son sentiment d’abandon

Sans qu’il puisse demander pardon

Ça me cause du stress

Car moi aussi toute petite

Un jour j’ai pris la fuite

Et je me suis sentie perdue

Ça m’a provoqué une crise

Comme si j’avais touché une prise

Je ne m’en rappelais plus

Ma famille s’inquiète

car je subis ma diète

et je suis très affaiblie

Pour cet enfant je suis prête

A rester sous ma couette

Et à souffrir pour lui

Je sens que Ghuirmay me comprend

Que lui seul ressent

Que quelqu’un est en danger

C’est parfois surprenant

Qu’on puisse se sentir si peu différent

Même quand on est étranger

Je ne sais si ce réconfort

Trouvé au seuil de sa mort

A eu une quelconque influence

Enfin je sens la fièvre qui baisse            (pêche!!!!!)

Le sommeil me délaisse

Et certains maux qui se pansent

Je retrouve la chaleur

Je sens que sèchent les pleurs

Je me sens moins énervée

Bizarrement dans la fôret d’Hokkaido

La vie est redevenue un cadeau

Le petit garçon est sauvé

FIN : Lecture par Marion T du fait divers. M4

Le sort du petit Yamato Tanooka a soulevé l’émotion dans tout le Japon.

L’enfant, que ses parents excédés avaient fait sortir de leur voiture le 28 mai, a été retrouvé vendredi à 5,5 km de là, dans un camp d’entraînement militaire où il s’était réfugié. Quelque 200 soldats, pompiers, policiers et bénévoles s’étaient mobilisés pour les recherches. (…)

Après avoir été laissé en bord de route, le garçonnet, en pleurs, avait tenté de rattraper la voiture de ses parents mais s’est égaré et s’est dirigé dans la direction opposée (…)

Craignant de s’aventurer dans la forêt, il a marché environ cinq heures dans le noir le long d’un chemin jusqu’à ce qu’il parvienne à un abri sur le terrain militaire. Ses parents ont assuré être revenus sur les lieux quelques minutes plus tard, mais le garçon avait disparu.

Yamato, qui n’a bu que de l’eau pendant tout son séjour grâce à un robinet situé à l’extérieur du local où il s’était abrité, est apparu en bonne santé bien qu’ayant, selon la presse, perdu deux kilos sur 22. Il a été transporté à l’hôpital pour y être examiné. Il devrait en sortir mardi, a indiqué un responsable de l’établissement, sans donner plus de détails. Toujours d’après des informations de presse, Yamato n’a rencontré âme qui vive jusqu’à ce soldat qui l’a découvert vendredi mais il gardait espoir, pensant que sa famille était partie à sa recherche.

Pour expliquer son geste, son père a indiqué qu’il était en colère car son fils, qui jetait des pierres sur des voitures, avait déjà récemment été réprimandé à l’école pour avoir frappé des automobiles avec un bâton. «J’ai voulu lui montrer que je peux faire peur si je me fâche», a-t-il relaté, évoquant sa «dignité de père». Il s’est excusé pour ce geste «excessif». La police locale a signalé le cas aux services de protection de l’enfance.